L’expérience client en magasin est métamorphosée après le confinement et la fermeture de nombreux points de vente. Les difficultés sont nombreuses à la réouverture pour les enseignes : comment concilier sécurité sanitaire pour les clients comme pour les salariés et plaisir du shopping ? Si tous les points de vente ont aujourd’hui mis en place une restriction du nombre de clients dans les magasins, une file d’attente à l’extérieur, un sens de circulation en magasin, l’obligation du port du masque et la distribution de gel hydro-alcoolique, les distances de sécurité à la caisse, vitre de séparation de la caisse, etc., les restrictions restent nombreuses, comment permettre un retour à la normale face à des consommateurs inquiets et dont les achats sont sous contrainte ? Nous avons identifié différentes pistes faciles à mettre en œuvre pour transformer les contraintes en opportunités et pour enrichir l’expérience client autour de 7 commandements de l’expérience client.

 

1- La bonne gestion de la file d’attente

 Nous constatons partout où les commerces rouvrent se former parfois de grande files d’attente devant les magasins. Elles sont importantes car elles permettent de gérer le flux de consommateurs dans le point de vente, mais elles nécessitent d’être prises en charge pour ne pas décourager les clients. D’autant plus que des applis voient le jour pour permettre aux clients d’estimer à distance l’état de la queue dans les magasins. Ainsi en Afrique du Sud, un

outil, surnommé « Y a-t-il une file d’attente ? », intègre les données obtenues à partir de technologies de géolocalisation avec les commentaires des consommateurs dans les supermarchés. De nombreuses solutions existent, nous en avons recensé un peu partout dans le monde qui vont plus loin que le simple marquage au sol.

D’abord les files d’attentes rapides. C’est ce que par exemple a lancé la chaîne de supermarchés anglaise Morrisons. C’est finalement l’application à la file d’attente du système de caisse rapide du supermarché. Deux files d’attentes sont mises en place en parallèle, une très rapide “speedy shopping” dans laquelle les clients ne peuvent prendre qu’un panier et une normale dans laquelle les clients ont un caddie : 3 personnes équipées de paniers peuvent rentrer à la fois contre 1 personne munie d’un chariot.

Autre possibilité, les employés d’un magasin Apple en Australie accueillent les clients dans les files d’attente à l’extérieur du magasin et mettent en place des files d’attente en fonction de leur demande et de leur ordre d’arrivée.

Enfin, les files d’attente numériques. Le magasin néozélandais Briscoes propose ce système qui permet aux clients de réclamer une place en ligne en envoyant un sms. Les clients n’ont pas à faire la queue devant le magasin et peuvent plutôt attendre dans un endroit plus confortable, comme leur voiture, jusqu’à ce que ce soit leur tour. D’autres magasins testent un principe similaire ou permettent de flasher un QR code sur la vitrine du magasin pour pouvoir s’enregistrer dans la file d’attente en ligne.

 

2- Les rendez-vous en magasin ou avec des vendeurs

 Les sens de circulation imposés en magasin, l’accès restreints à certaines zones peuvent décourager les consommateurs, qui après avoir fait la queue à l’extérieur peuvent avoir l’impression d’une expérience amoindrie. Une solution s’impose : la création de rendez-vous, une solution qui permet aux clients de se sentir chouchoutés et au magasin de maîtriser ses flux. De nombreuses enseignes ont fait le pari des rendez-vous comme les boutiques Orange, mais c’est aussi le cas dans le retail. Dans les secteurs où le libre-service est la norme, la notion de personal shopper sur rendez-vous peut devenir une nouvelle façon de vendre et d’offrir une expérience client unique. Chacun se fait accompagner dans le magasin et profite ainsi de conseils personnalisés à forte valeur ajoutée. L’enseigne américaine Best Buy a largement déployé cette façon de vendre et les clients sont ravis. Tout comme l’enseigne indienne Fablestreet.

On pourrait presque imaginer des enseignes privatiser leurs magasins à certains horaires pour leurs meilleurs clients. Une façon de garantir la sécurité sanitaire tout en fidélisant ses meilleurs clients !

Le groupe Bestseller India (Jack & Jones, Vero Moda, Only et Selected Homme) a misé sur les boutiques mobiles qui permet de toucher de petits groupes de clients.

Une dernière solution est de permettre une rencontre avec les vendeurs devenus experts de la marque et de ses produits. Ainsi, la marque de chaussures Bata a-t-elle lancé la fonctionnalité ” Shopping sur Whatsapp” via son site Web Bata Club et Bata. La chaîne Whatsapp permet aux consommateurs de regarder le catalogue en ligne, d’avoir une conversation vidéo avec le gérant d’un magasin près de chez eux et de faire livrer des produits à domicile pour essai et achat dans un délai très court. De la même façon, l’enseigne anglaise, John Lewis, a lancé une gamme de nouveaux services virtuels, permettant aux clients de se connecter avec des stylistes de mode pour des consultations via des appels vidéo Instagram. Boots a proposé des consultations vidéo en ligne pour offrir à ses clients des séances individuelles personnalisées de 20 minutes avec des conseillères en beauté pour le soutien des cosmétiques et des soins de la peau.

Certaines enseignes sont allées plus loin en créant de véritables plateformes de rencontres vidéo comme l’enseigne anglaise Brompton Bicycle. Elle a lancé avec Go-in-store un Live In-Store Expert, qui associe les spécialistes des produits Brompton Junction en magasin aux clients en ligne via une plate-forme vidéo HD en direct.

 

3- Les outils numériques qui facilitent les achats in-store

Les magasins subissent de nombreuses restrictions, notamment pour toucher ou essayer les produits, alors que l’on sait que c’est la première raison de la venue des clients en magasin pour 76% d’entre eux*. Des solutions existent, et elles viennent tout droit de l’univers numérique.

D’abord, pour le sujet épineux des cabines d’essayage. Si de nombreuses enseignes ont déjà expérimenté des cabines d’essayage virtuelles, celles-ci ne sont pas restées pérennes. Faute de mieux, de nombreux magasins, dont les cabines sont fermées, ont mis en place un service « acheter et essayer » où ils peuvent effectuer leur achat et l’essayer à la maison à leur convenance avec des délais d’échanges et de retours plus longs et plus souples. Mais il existe d’autres solutions peut-être plus faciles à mettre en place.

Ainsi, la start-up française Veertus a créé une application qui permet, à partir du code-barres d’un article, d’essayer virtuellement un vêtement sur son smartphone et de se passer ainsi de l’essayage en cabine. D’autres enseignes comme Zara avait déjà lancé une application, « Zara AR », qui une fois téléchargée, permet de se faire une idée de l’effet d’un vêtement en pointant votre smartphone sur un modèle exposé dans l’une de ses vitrines, sur son site internet… 120 magasins de la chaîne ont été équipés en France et en Belgique. 

L’expérience client in store post-Covid voit aussi le grand retour des bornes numériques qui permettent de voir les produits et de les commander dans le magasin pour se faire livrer ou les retirer ensuite comme témoigne Anupam Bansal , directeur exécutif de la vente au détail chez Liberty Shoes  «Chez Liberty, nous avons un catalogue numérique en magasin afin de faciliter le processus de sélection pour les clients et, en conséquence, nous livrons».

Autre utilisation, le magasin Boots a développé un comptoir virtuel dans son flagship de Londres dans lequel les clients peuvent demander de l’aide et appeler un vendeur. 

Enfin, bien sûr parmi les outils utilisés, le paiement facilité dont on a déjà beaucoup parlé mais qui devient un nouveau « must-have » d’un magasin, à tel point que l’enseigne Décathlon a déployé une solution de self-checkout mobile dans ses 81 magasins allemands. Les clients peuvent numériser et payer des articles à l’aide de leur smartphone, désactivant automatiquement l’étiquette de sécurité RFID pour les laisser libres de quitter le magasin. Ces systèmes “scan-as-you-go” sont déjà très populaires au Royaume-Uni et sont en cours de développement en France, comme l’illustre Monoprix qui met en place des caisses automatiques dans tous ses magasins.

 

4- Des éléments qui rassurent le client

Tous les points de vente ont mis en place des mesures qui protègent leur personnel et leurs clients. Si les entreprises à l’origine de la reconnaissance faciale ont amélioré la technologie pour identifier les personnes portant des masques, il existe de nombreuses autres fonctionnalités qui permettent aux clients de se sentir en sécurité quand il fait ses achats. Si Stella McCartney avait défrayé la chronique avec l’ouverture de sa boutique à Londres il y un an et demi avec un dispositif de purification de l’air offrant un air propre, cela risque d’être clé pour les distributeurs, l’air étant en effet un facteur à risque pour la propagation du virus. De nombreuses solutions existent déjà comme l’a démontré Dr.Jart +, qui a mis en place des cabines qui protègent les acheteurs contre les polluants atmosphériques.  Les clients entrent dans le magasin de Séoul de l’entreprise de soins de la peau via une cabine de douche à air industrielle qui évacue la poussière et les germes accumulés dans le monde extérieur dans le but principal, selon les architectes, «de montrer aux clients que l’espace leur fournit l’air et l’eau les plus propres et les protège de la pollution ». 

Les robots peuvent aussi être des éléments de réassurance, à l’exemple de de Central Food Hall, un supermarché thaïlandais qui a utilisé des robots équipés de lampes UV-C pour tuer les germes afin de stériliser ses magasins. Ces robots, qui tuent 99,9% de tous les agents pathogènes en quelques secondes dans un rayon de 360 ​​degrés, ont déjà été déployés dans les hôpitaux chinois pour aider à combattre le coronavirus.

Autre exemple de mise en place de dispositif de nettoyage, l’initiative de Carrefour en Belgique qui en coopération avec Disinfect, a lancé le #StaySafeCube, un cube mobile de désinfection installé à l’entrée des magasins. Ainsi, les clients qui le souhaitent, peuvent se faire “désinfecter” de la tête aux pieds. Le système ressemble clairement à une sorte de car-wash, mais pour les humains. Vous passez dans le cube et des machines délivrent du spray désinfectant. Dès la sortie, un gel hydro-alcoolique est proposé aux clients pour leur mains.

5- Une ambiance réconfortante

 Si 78% des acheteurs citent le fait qu’une atmosphère agréable en point de vente joue un rôle clé dans le choix de faire des achats en magasin plutôt qu’en ligne, la musique est le facteur numéro un pour améliorer l’expérience client en magasin et a un impact positif pour 85% des clients dans le monde*. Face à des consommateurs inquiets, qui portent des stigmates de cette crise sans précédent, adapter l’ambiance sonore est essentiel pour recréer une ambiance de shopping agréable dans le magasin. C’est le pari qu’a fait Nyx en mettant en place dans toutes ses boutiques européennes une ambiance sonore renouvelée, à la tonalité apaisée, chaleureuse résolument positive et joyeuse.

De nombreuses enseignes ont également profité de leur système sonore pour créer et diffuser des campagnes d’annonces à la sensibilisation des gestes barrières ou par exemple, pour remercier tous ceux, salariés ou prestataires, qui ont permis le fonctionnement du centre commercial pendant le confinement.

6- Des services renforcés

Les enseignes ont dû innover pendant la crise, réfléchir à des alliances inattendues et parfois lancer des services qui perdurent après le déconfinement. Le drive en est un bon exemple. Des enseignes comme Intersport, Kiabi Passion Beauté ou Ikea ont pour la première fois lancé des services de drive pour leurs clients. Et ce service pensé comme réservé aux seuls distributeurs alimentaires, s’intensifient après le confinement, de nombreux centres commerciaux ont lancé leur service drive et click and collect qui mutualise les achats des clients pour plusieurs enseignes. Le dispositif est gratuit pour les enseignes, s’inscrivant dans un effort pour relancer la consommation non alimentaire dans les points de vente physiques. Il suffit pour le client de passer par le site internet des enseignes pour choisir un retrait en magasin. Un prestataire centralise les achats multi-enseignes réalisés par un client avant de le contacter pour fixer un rendez-vous dans un espace spécialement aménagé sur le parking.

Autre exemple de nouveaux services : un des grands problèmes que rencontrent aujourd’hui les clients est celui de la disponibilité des articles. Certaines enseignes comme Schnucks Markets et Giant Eagle ont résolu le problème en utilisant  des robots en magasin pour faire un état des lieux des stocks. Le robot, à l’aide de caméras, de vision par ordinateur et d’apprentissage automatique, peut identifier les prix, le placement de produit et la disponibilité. Il peut également identifier les articles en rupture de stock ou égarés. D’autres marques comme Rue21 s’appuient sur leurs clients. Rue21, avec l’outil First Insight, analyse en effet les produits best-sellers pour éliminer les flops et ainsi s’assurer une vente optimale de ses produits. Les consommateurs sont ainsi au cœur de la stratégie de création des vêtements, et se sentent impliqués et écoutés. Avec la crise, les équipes de Rue21 accélère cette digitalisation. Ainsi, à la réouverture de ses magasins, la marque saura quel produit n’est plus attendu en magasin et ceux que ses consommateurs souhaitent retrouver. Pour un déconfinement étape par étape mais avec style ! 

 

Tous ces exemples démontrent à quel point la crise que nous traversons peut nous permettre de réinventer l’expérience en magasin et de créer de nouvelles habitudes entre les marques et leurs clients. Une chose est sûre, elle démontre aussi l’importance de l’agilité dont doivent faire preuve les marques aujourd’hui et l’importance du dialogue permanent avec leur communauté de clients.

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*Etude Walnut Unlimited pour Mood Media réalisée dans 9 pays (États-Unis, Australie, Chine, Hollande, Belgique, France, Allemagne, Espagne, Royaume-Uni) en septembre 2018.