Les secteurs du retail et de la distribution ne cessent de se réinventer, l’essor des dark stores, l’évolution des habitudes de consommation, le développement exponentiel de certains secteurs comme la décoration ou le bricolage changent la donne une nouvelle fois. Si le magasin reste un pilier inébranlable du commerce, comme on a encore pu le voir récemment avec l’ouverture du premier Google store, il se réaffirme autrement dans le parcours client général proposé par les marques.  Le magasin sert à autre chose qu’à une commande en ligne, et c’est bien en réinterrogeant toutes les évolutions de la consommation que le magasin garde toute sa place. Une place réaffirmée autour de 4 grandes fonctions que nous allons illustrer en nous inspirant de nos sélections des innovations mensuelles faites pour le Journal du Net.

 

1-    Vivre une expérience : le wahou effect

Si on vient dans un magasin, c’est pour vivre une expérience inattendue, quelque chose qu’on ne peut qu’avoir IRL, faire vivre une expérience à ses consommateurs est essentiel pour que les enseignes soient attractives, mais aussi pour leur notoriété, c’est un levier essentiel pour les marques à la fois dans leur approche « owned media », mais aussi « earned media ». Une expérience réussie signe une visibilité très forte de l’enseigne due à la publication de ses clients sur les réseaux sociaux, tout en donnant envie aux clients de revenir et à d’autres de découvrir le magasin, bref un véritable cercle vertueux de la relation client !

En 2022, vivre une expérience en boutique va s’incarner de 4 façons qui renouvellent le genre !

  • Le magasin qui téléporte ses clients dans la marque : tous les secteurs peuvent s’y mettre, des marques comme Peugeot, King jouet, Kilo Shop ou Bricorama prouvent que l’expérience de marque peut être déclinée dans tous les secteurs. Même la grande distribution s’est emparée du phénomène, ainsi l’enseigne de supermarché Silpo en Ukraine a créé l’événement avec une grande surface sur le thème du cirque allant jusqu’à un service de livraisons assuré par des clowns, le magasin intègre une partie événementielle tout comme des produits locaux provenant de fermes avoisinantes. Autre exemple, Sip’N Smoke la supérette dédiée au CBD à Toronto qui plonge ses clients dans un univers pop inédit. D’ailleurs, plus jamais les marques utilisent l’art comme un vecteur d’expérience.
  • Le magasin qui crée l’événement : au sens propre avec des célébrités comme l’a expérimenté la marque Browns à Londres, un événement qui va au-delà des traditionnelles collaborations événementielles avec une dimension que les réseaux sociaux ne cessent d’amplifier, la sélection. Ce sont en effet des moments ou des endroits réservés à des happy fews qu’on va peut-être un jour tous devenir, le flagship parisien de Kith en est un excellent exemple. Cette dimension événementielle peut s’exprimer enfin à travers des collaborations d’entreprises. Si on se souvient de la collaboration inédite pendant le premier confinement de Décathlon et Franprix, les marques vont plus loin et à grande échelle comme l’illustrent les collaborations d’Amazon et Starbuck, mais aussi le concept « Close to you » d’Ikea à Hong-Kong.
  • Le magasin qui ne dure pas : les pop-up stores se sont imposés dans la nouvelle grammaire des points de vente. La crise sanitaire n’a fait que renforcer cette tendance déjà ancienne du commerce. 2021 a été riche avec des pop-up stores qui ont fait date comme celui de TikTok à Londres, d’Alienware par Gramco à Pékin ou toutes les incursions nombreuses et étonnantes de Louis Vuitton dans le genre ! Autre approche de l’éphémère, la rotation des marques ou des enseignes dans un même espace de vente. Ici le meilleur exemple qui nous vient à l’esprit est probablement celui de Platform, ce lieu qui réinvente le centre commercial pour en faire une résidence de boutiques qui changent sans cessent comme les résidences d’artistes.
  • Le magasin qui n’est plus dans le magasin : on pense bien-sûr au développement du « shoppertainement », autour d’un concept qui s’est d’abord bien implanté en Asie mais qui conquiert le monde : le live streaming. Autre approche, celle de Dyson qui lancé sont premier magasin virtuel accessible via des lunettes de VR.  

 

2-    Avoir du sens : vendre sans conscience n’est que ruine du commerce

Si la notion de « conscious retail » est devenue le graal des marques, elle recouvre 7 aspects assez différents mais qui vont devenir des cases essentielles à cocher pour des enseignes qui doivent séduire des consommateurs avides de sens.

If the notion of “conscious retail” has become the grail for brands, it covers 7 rather different aspects which will become essential boxes to tick for retailers who must seduce consumers who are eager for meaning.

  • Le règne de la seconde main : c’est devenu une évidence, de Tommy Hifilger à Nike, Adidas, mais aussi Bricorama ou Monoprix, le corner seconde main pour la collecte et désormais pour la revente est devenu un incontournable. A tel point que certaines enseignes comme Lululemon ou Patagonia ont lancé des magasins dédiés à leurs articles d’occasion.

  • La mise en avant de la circularité des produits : ce qui vient de la nature retourne à la nature. Un autre élément important, c’est bien sûr donner du sens aux produits que l’on vend en démontrant l’approche que la marque a eu dans le cycle de vie du produit, du sourcing à son recyclage. Et l’enseigne se doit d’afficher fièrement ses choix ! 

  • Le magasin comme symbole de la prise de conscience : et oui, la tendance émergente pour les enseignes est de concevoir leur point de vente en termes écoresponsables, qu’il s’agisse de lumière, de mobilier, mais aussi de choix d’écran ou de diffusion de musique, chaque geste compte et doit être appréhendé globalement. De plus en plus d’enseignes intègrent cette notion comme Clarins, Faguo mais aussi Adidas dans son dernier corner chez Citadium.
  • Une marque engagée et qui l’expose fièrement dans son magasin : l’engagement des marques pour faire progresser leur secteur d’activité est essentiel, l’exemple du programme Primark Cares est très typique de ce phénomène avec la prise en compte des facteurs environnementaux et humains qui interviennent dans la conception des vêtements. Les marques aujourd’hui sans aller jusqu’à devenir des entreprises à mission doivent pouvoir exposer leur raison d’être et leurs partis-pris, le magasin devient là-encore un vecteur de communication idéal auprès des clients.
  • Le local, consommer d’ici : c’est l’ingrédient le plus connu du « conscious retail », il existe depuis longtemps mais est porté à un niveau sans précédent et touche tous les secteurs. Il a pris une nouvelle dimension avec la mise en avant de producteurs et de start-up locaux. Le meilleur exemple est sans conteste le nouveau Monop ouvert près du Canal Saint-Martin qui propose en vrac jusqu’au croquettes pour animaux, et des bières locales.

  • La fidélité, l’autre moyen d’être plus vert : une nouvelle tendance est apparue avec Décathlon en tête de file pour faire de la carte de fidélité un tremplin vers des engagements responsables, ainsi l’enseigne offre des points fidélité à chaque achat d’articles éco-conçus ou d’occasion.

  • Apprendre à ses clients les bonnes pratiques : les marques peuvent enfin utiliser leur magasin pour aider leurs consommateurs à adopter de meilleures pratiques. Nature et découvertes le fait déjà beaucoup, mais signalons l’exemple de Lush qui organise dans son point de vente de Lincoln des coachings « zéro déchets » ou des « routines véganes personnalisées ». 

 

3-    Plus de digital pour un achat simple et facile

 Si l’injonction du phygital est désormais pleinement entendue par toutes les enseignes, y compris celles de proximité, l’ajout du digital est surtout un ingrédient essentiel pour faciliter les achats. La première motivation des clients pour faire leurs courses en magasin est de pouvoir toucher les produits, les emporter simplement, et découvrir de nouveaux produits[1]. 

  • Faciliter les achats avec des nouveaux services
    Le sujet de la livraison et du dernier kilomètre a été largement traité par toutes les marques, à noter d’ailleurs les initiatives très intéressantes de Leroy-Merlin à Madeleine qui facilitent le retour en taxi à ses clients !

    Un élément important pour faciliter l’achat c’est aussi la formation des vendeurs, pour qu’équipés de tablettes ils puissent jouer pleinement un rôle de conseiller auprès des clients. Bricorama dans son flagship y a été particulièrement attentif.   Ce rôle de conseiller va de pair avec celui de la mise en place des rendez-vous, une pratique largement démocratisée par la crise sanitaire et qui se poursuit pour offrir toujours plus de services au client et gérer l’attente. Ces rendez-vous permettent aussi aux enseignes d’élargir leur rôle et de d’intervenir en amont pour concevoir avec le client des produits, on pense ainsi à Ikea qui fait intervenir des architectes d’intérieurs ou des spécialistes des rangements ou des cuisines mais aussi à Leroy-Merlin qui a lancé des structures dédiées à l’accompagnement des projets.

    Le digital s’invite aussi en magasin pour que la vie des clients, les cabines d’essayage virtuelles tant annoncées et jamais vraiment implantées deviennent une réalité, au moins dans un premier temps en digital avec l’acquisition par Walmart de la start-up Zeekit. Etam en avait d’ailleurs déjà lancé les prémices avec une cabine connectée permettant aux clientes d’appeler un vendeur pour échanger un article d’une mauvaise taille et se le faire apporter directement en cabine. Et on annonce que les nouvelles boutiques d’Amazon dédiées au retail seraient aussi équipées de cabines connectées.

    Les personal shoppers se sont aussi généralisés pour accompagner au mieux les clients et ils ont atteint jusqu’à la grande distribution. On pense notamment à la nouvelle application de Carrefour pour se simplifier la vie.

    De nombreux autres services ont émergé, et on ne saurait vous conseiller de vous pencher sur le salon de coiffure lancé par Amazon, une expérience qui décoiffe, sans mauvais jeu de mot…

 

  • Des achats toujours plus rapides :
    La généralisation du paiement sur automates (y compris pour les vêtements), ou par carte de fidélité, voire par QR code a probablement été le phénomène le plus important de la digitalisation des points de vente en 2021, et devrait              se poursuivre en 2022. Le paiement a toujours été au cœur de l’expérience client. Autre tendance qui monte, le quick commerce. De Continents Lab au Portugal au Carrefour Flash français, toutes les enseignes montent au créneau.

 

4-    Un lieu intégré dans la société : le magasin lieu de rencontres et de vie

La tendance du magasin de lieu de vie a été un peu contrariée en 2020, et si les enseignes de grande distribution comme Casino (Casino Home) se sont penchés sur le bien-être avec des formats dédiés, les magasins “lieux de vie” n’ont pas marqué le tout premier semestre 2021. Mais c’est probablement pour mieux revenir, la fonction « sociale »[2] du point de vente est avérée, et plus que jamais, les enseignes doivent l’intégrer.  Les initiatives comme celles de MX, le projet fou de Pernod-Ricard qui a créé un lieu de vie consacré au pastis à Marseille, ou bien les « Kabin » mises en places par Monoprix pour télétravailler depuis son magasin préféré, tout comme les caisses dédiées au papotage mises en place au Pays-Bas et qui arrivent en France montrent bien que cette tendance doit à nouveau être intégrée dans les stratégies des enseignes. Le social IRL, c’est le magasin ! 

 

Conclusion 

Finalement, la crise actuelle n’a fait qu’accélérer des tendances que l’on avait déjà bien cernées, ce qui est sûr c’est qu’il faut redonner un sens précis au magasin, lui attribuer une fonction pour qu’il ait une place pertinente dans le parcours client. À noter quand même le stop de la logique de personnalisation, une tendance qui pourtant était présente avant la crise et l’accélération massive du conscious retail.  

 

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[1] Révélant ce qui a le plus manqué aux consommateurs lors de la fermeture des magasins pendant le confinement, l’étude montre que près de la moitié (45%) des clients ont déclaré qu’il s’agissait de l’expérience de « toucher et d’essayer » des articles sur place. Étude Censuswide pour Mood Media auprès de 8 120 répondants (au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Chine et en France). Septembre 2020. 

[2] L’aspect social du shopping entre amis et proches est la deuxième expérience de shopping physique qui a le plus manqué aux consommateurs (35%). Étude Censuswide pour Mood Media auprès de 8 120 répondants (au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Chine et en France). Septembre 2020.